Agroécologie : croiser les regards

La recherche autour de l'agroécologie en Nouvelle-Aquitaine : croiser les regards

24 février 2023, Bordeaux

Dans le but de rassembler la communauté scientifique de Nouvelle-Aquitaine travaillant autour de l’agroécologie, le réseau régional de recherche sur la biodiversité et les services écosystémiques, Biosena, a organisé une journée d’échanges destinée au partage interdisciplinaire des approches, concepts et méthodes mobilisés pour favoriser la transition agroécologique.

Cette journée était gratuite et ouverte à toutes et tous. Elle était à destination de tous les chercheur·es et leurs partenaires et tous les acteurs du territoire de Nouvelle-Aquitaine intéressés.

L’enjeu de cette rencontre était de développer un dialogue interdisciplinaire entre les différents scientifiques travaillant sur l’agroécologie dans la Région, de façon à créer du lien entre les disciplines, notamment entre les différentes disciplines associées à l’agroécologie (droit, économie, écologie, écotoxicologie, géographie, sciences politiques, sociologie, …), de connecter les approches centrées sur les systèmes agricoles avec celles focalisées sur les systèmes alimentaires, et de favoriser les passerelles entre les différents socio-écosystèmes néo-aquitains. Afin de regrouper des spécialistes de différents systèmes agricoles, d’origines disciplinaires variées et privilégiant des entrées scalaires et conceptuelles distinctes, nous proposons une appréhension large de l’agroécologie, en tant que discipline scientifique, pratique et mouvement social, visant à travailler avec le vivant, en bouclant les cycles biologiques, et privilégiant une approche multiscalaire allant de la parcelle au paysage, jusqu’aux systèmes agri-alimentaires territoriaux.

Compte-rendu

Programme, replay et téléchargements

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L’agroforesterie consiste à associer les arbres et les cultures sur une parcelle agricole. Certains agriculteurs se tournent vers l’agroforesterie car ils ont acquis le sentiment que le système conventionnel est « à bout de souffle » et ne leur permet plus de vivre correctement. Éthiquement et philosophiquement, ils ont également acquis le sentiment que l’agriculture conventionnelle les sépare du « monde du vivant ». Aux niveaux économique et environnemental, on constate qu’une ferme en agroforesterie peut à la fois tendre vers une résilience des écosystèmes et un bénéfice économique par la valorisation du bois. En termes de perspectives, l’agroforesterie peine à se diffuser dans le secteur et dans le public, et reste marginale. Le projet vise à répondre aux problématiques suivantes : Comment les agriculteurs, en donnant une place à l’arbre au sein de leur système de ferme, en arrivent-ils (ou pas) à développer un rapport avec le vivant ? Comment l’action publique, inscrite dans un modèle économique capitaliste, peut-elle (ou pas) prendre en compte le vivant pour se renouveler ? Comment une agriculture du vivant se diffuse-t-elle et vient renouveler (ou pas) les systèmes alimentaires et les modes de consommation alimentaires ?

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La transition agroécologique s’est développée en France sous l’impulsion du plan « Produire Autrement » (2012) et la loi NOTRe (2015), conduisant notamment les intercommunalités à affirmer de plus en plus leur place dans la gouvernance des questions agricoles. Pourtant, les initiatives agroécologiques se déploient différemment dans les territoires, restent isolées, dispersées, voire se concurrencent. En étudiant les trajectoires territoriales, les logiques d’action des intercommunalités et des structures territoriales, nous proposons d’interroger les ressorts territoriaux qui freinent ou au contraire favorisent la mise en place d’une action publique et collective permettant d’impulser et de coordonner les initiatives de transition agroécologique dans les territoires.

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Le projet de thèse « Analyser les changements de pratiques agricoles dans le cadre de la transition agroécologique et le rôle des expérimentations » se porte sur la Zone Atelier Plaine & Val de Sèvre, une infrastructure de recherche de 450 km² sur laquelle sont menées depuis près de 10 ans des expérimentations socio-écologiques avec les agriculteurs afin de comprendre les rôles de la biodiversité dans la production agricole. Ces expérimentations ont montré que la biodiversité, par ses fonctions, permet de baisser les usages d’intrants et de travail du sol tout en préservant la marge brute des agriculteurs. L’objectif de ce projet de thèse est de comprendre de quelles manières la participation des agriculteurs à ces expérimentations avec des scientifiques a engendré des changements vers des pratiques relevant des principes de l’agroécologie. Une enquête a été mise en place pour caractériser la perception du rôle de la biodiversité et ses fonctions dans la production agricole par les agriculteurs de la Zone Atelier. Les agriculteurs enquêtés ont été sélectionnés de manière à représenter la diversité des modes de production et des pratiques agricoles ainsi que leurs liens (plus ou moins importants) avec les scientifiques de la Zone Atelier. Dans un second temps, nous nous appuierons sur les résultats de l’enquête pour tracer les trajectoires de changements de pratiques agricoles d’un panel d’agriculteurs afin de déterminer et quantifier le rôle des expérimentations mises en place sur cette zone d’étude dans ces changements de pratiques et leur capacité à engager les agriculteurs dans une transition agroécologique.
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Les agriculteurs et agricultrices sont confronté·es à des injonctions croissantes à « écologiser » leurs pratiques. Si les aspects techniques et économiques des processus de transition ont fait l’objet de nombreuses études, la dimension humaine des transformations du modèle productif est encore peu traitée à ce jour. C’est cette dimension sociale qui est interrogée par le programme TraSAD dont l’objectif est d’analyser l’impact de la transition agro-écologique sur les conditions de travail et de santé (physique et mentale) des exploitant·es et des salarié·es agricoles. Plus spécifiquement, ce projet de recherche s’intéresse au secteur vitivinicole à partir d’une comparaison entre trois régions (Nouvelle-Aquitaine, Occitanie et Grand Est), et en mobilisant à la fois des données statistiques et des études de cas réalisées par entretiens auprès d’exploitant·es et de salarié·es.
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La mobilisation des fonctions écologiques supportées par la biodiversité apparaît comme une piste prometteuse pour construire des systèmes viticoles multifonctionnels et résilients. De multiples variables environnementales opérant à différentes échelles spatio-temporelles, de la parcelle au paysage, peuvent affecter la biodiversité et les fonctions écologiques. Cependant, les combinaisons de leviers agroécologiques permettant d’optimiser les fonctions écologiques et plus globalement les performances écologiques, agronomiques et économiques des systèmes viticoles restent encore inconnues. Dans ce projet nous nous proposons d’identifier les pratiques viticoles et les caractéristiques paysagères qui permettent de maximiser la multifonctionnalité des systèmes viticoles.
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La vigne est une plante pérenne très sensible aux maladies (mildiou, oïdium, black-rot, …) et aux ravageurs (vers de la grappe, cicadelles, …) ; aussi, elle nécessite une protection phytosanitaire efficace. Mais l’usage des produits phytosanitaires est encore excessif. Dans le cadre du projet PhytoCOTE, nous avons évalué les performances agro- environnementales et socioéconomiques d’une quarantaine d’exploitations viticoles en modes conventionnel et agrobiologique dans la région bordelaise du Blayais, ainsi que des scénarios en agroécologie, par des méthodes multicritères d’aide à la décision. Les résultats montrent un niveau de performances nettement supérieur en faveur des systèmes viticoles conduits en agroécologie.
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Le projet AC2TION vise à comprendre, quantifier et modéliser les effets de l’implantation d’arbres en intra et inter parcelles sur le microclimat, la fertilité et santé des sols, la biodiversité, la dispersion des pathogènes ou des pesticides ou la valeur économique des produits issus des parcelles. La synthèse de ces différents effets se fera dans une approche globale multicritère des performances environnementales, socio-économiques ou monétaires des systèmes agroforestiers en comparaison à des systèmes agricoles conventionnels. Afin d’estimer la durabilité de ces systèmes, nous chercherons (1) à projeter les effets observés aujourd’hui dans la perspective d’un climat futur, en 2050 afin de proposer des adaptations à engager dès aujourd’hui et d’identifier les freins futurs et (2) à adapter les espèces ligneuses les plus adéquates à ces futures conditions pédoclimatiques. Pour l’ensemble des volets de recherche, les interactions seront fortes avec les acteurs de terrain, qui seront sollicités dans un esprit de science participative, pour contribuer à la collecte de certaines données et observations de terrain. Tout au long du projet, les chercheurs et acteurs seront également associés pour définir les questions de recherche et réfléchir aux conséquences des résultats obtenus sur la diffusion de l’agroforesterie en Nouvelle-Aquitaine.
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MISTIC, Microbiomes de plantes cultivées et TIC, développera des outils de modélisation et d’IA pour étudier les microbiomes de plantes cultivées dans une approche système. Ces communautés microbiennes autour des racines ou sur les feuilles sont la « matière noire » dans l’univers des plantes, difficile à observer mais fondamentale à son fonctionnement. MISTIC combine le savoir-faire immense de l’INRAE en système agricoles avec celui d’Inria en méthodes de modélisation et de calcul. L’ambition commune est de se servir des sciences du numérique pour faciliter et accélérer le développement et déploiement d’innovations agro-écologiques : sélection variétale optimisée tenant compte des interactions plante-microbiome, biostimulation et gestion de l’immunité de la plante, biocontrôle basé sur l’usage d’intrants biologiques ou sur la gestion d’organismes bénéfiques, nutrition. MISTIC produira également une grande ressource unique en données, qui sera mise à disposition selon les principes FAIR.
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REPLIK et RIPPOSTE, deux projets pour réduire l’impact des punaises sur les noisettes du Sud-Ouest. En 2015, l’Association Nationale des Producteurs de Noisettes (ANPN) observe les premières attaques de punaises sur les noisettes. Une punaise indigène, Palomena prasina, et dans un second temps, une punaise exotique, Halyomorpha halys, sont rapidement identifiées. Aujourd’hui, jusqu’à 30% des noisettes d’un verger peuvent être impactées par ces deux ravageuses. En 2019, la région Nouvelle-Aquitaine finance le projet REPLIK pour étudier les deux punaises, dont une thèse portant spécifiquement sur P. prasina. De ces recherches, plusieurs auxiliaires sont identifiés dont le parasitoïde oophage Trissolcus mitsukurii. En 2021, la région soutient à nouveau l’ANPN avec le projet RIPPOSTE, dont le but est de développer le parasitoïde contre H. halys.
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Les défis démographiques, climatiques, de disponibilité des ressources productives et d’approvisionnement alimentaire requièrent une intensification des pratiques agroécologiques déjà bien ancrées dans les systèmes agricoles traditionnels africains. Nous mobilisons les indicateurs de diversité des cultures pour représenter les pratiques agroécologiques mais également des indicateurs d’économie circulaire tels que l’utilisation d’intrants organiques issus des déchets agricoles. L’objectif de ce travail économétrique est d’évaluer l’efficacité de ces pratiques sur le rendement agricole à travers un modèle de Cobb-Douglas. Les données proviennent de la FAO. Nous verrons également que la durabilité et l’efficacité de ces pratiques sont conditionnées par l’environnement socio-économique du territoire.
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Cette communication discutera les avancées scientifiques développées par le comité scientifique IDEA qui ont abouti fin 2022 à la nouvelle méthode IDEA4 (Indicateurs de Durabilité des Exploitations Agricoles version 4) en cours d’édition. Son cadre théorique innovant permet d’évaluer la durabilité des systèmes agricoles en s’appuyant sur 53 indicateurs agrégés selon deux approches complémentaires : les trois dimensions de la durabilité et les cinq propriétés des systèmes agricoles durables. Son application sur des exploitations de grandes cultures en transition au sein de de trois GIEE (Charente) discutera comment la méthode IDEA4 évalue leurs performances agroécologiques globales, leurs niveaux de biodiversité et leurs robustesses associées.
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La Recherche travaille à l’accompagnement du monde agricole dans sa transition agro-écologique via la mise au point de démarches de conception et de gestion dynamique ± outillées. Le projet ADORE a pour objet la préservation et la restauration de la biodiversité sur les fermes. Basée sur le concept de gestion adaptative, une démarche ambitieuse et participative est actuellement testée (depuis 2020) sur la ferme expérimentale INRAE de Saint-Laurent de la Prée (côte atlantique française ; marais de Rochefort-sur-mer – Charente-Maritime). Le pilotage du projet se fait selon une « logique de résultats » vis-à-vis de la biodiversité souhaitée : des objectifs à atteindre ont ainsi été quantifiés pour 11 espèces cibles (faune et flore). Des changements à opérer dans les pratiques agricoles et des aménagements parcellaires sont ensuite réalisés chaque année dans le but d’atteindre ces objectifs.
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Les marais littoraux, sous dépendance de la gestion collective de l’eau et des pratiques agropastorales, sont des territoires emblématiques pour la conservation de la biodiversité et importants pour la séquestration du carbone. Trois menaces pèsent sur le fonctionnement des marais : la diminution de la ressource en eau douce, la baisse des capacités d’investissement des agriculteurs pour entretenir les fossés, et la régression des activités d’élevage peu rémunératrices. Les tensions sur l’eau risquent de s’accroître. Le projet comprend trois volets : (i) Plusieurs sites de marais sont instrumentés afin d’identifier les stratégies de gestion de l’eau qui optimisent la biodiversité, la séquestration de carbone et les activités d’élevage, (ii) des démarches de co-conception en faveur de la biodiversité seront explorées ; enfin (iii) on s’intéresse à l’organisation des filières en circuit court avec une approche à l’animal, à l’exploitation et à la filière.
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Le projet SEREALINA vise à analyser comment est assurée la sécurité alimentaire de la Nouvelle-Aquitaine, et à interroger la durabilité et la résilience du/des systèmes alimentaires régionaux. Pour cela, (1) il examine le fonctionnement et les vulnérabilités des acteurs des systèmes alimentaires, ainsi que les vulnérabilités des systèmes alimentaires au niveau régional et territorial ; (2) en combinant approches compréhensives et normatives, il étudie comment se construisent les réponses des acteurs ainsi que les politiques alimentaires à différentes échelles, et questionne leur portée en termes de résilience et de durabilité afin de déterminer quels changements et quelles actions seraient nécessaires pour assurer une meilleure sécurisation alimentaire en Nouvelle-Aquitaine.
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Mes recherches relatives au statut juridique des fermes modernes, en tant qu’écosystèmes innovants d’habitat, de vie et de production agricole territorialisée doivent permettre d’appréhender le cadre juridique de l’agriculture de demain sous le prisme transversal de la transition agroécologique, et de révéler l’interaction complexe des différents cadres normatifs applicables à des problématiques multiples. Ainsi, de la promotion des circuits-courts à l’adaptation des systèmes agricoles vers la durabilité, les défis sont nombreux. Il s’agirait alors de présenter les enjeux juridiques déjà identifiés, dans une double dimension interne et externe à l’unité de production agricole moderne.
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L’objet de la recherche en droit est de montrer comment les normes juridiques, dans toute leur diversité, impactent les pratiques agricoles et permettent ou non d’accélérer la transition vers la sortie des pesticides.  En effet, l’action publique, comme les initiatives privées, s’incarnent dans des dispositifs juridiques particuliers. Ceux-ci obéissent à des règles de droit précises (droit administratif, droit des contrats, de la propriété intellectuelle…) et hiérarchisées (droit international, droit européen, droit national). Après l’analyse détaillée des textes en vigueur, de leur potentialité et de leurs limites, le travail consiste à déterminer la forme juridique que peuvent prendre les futurs instruments de la transition qu’ils soient au niveau individuel, collectif, ou territorial. Quels types de normes sont adaptés à chacun des outils ? Pour quelle articulation entre elles et quelle complémentarité avec le droit existant ? Enfin l’efficacité du droit sera questionnée : réside-t-elle dans l’harmonisation des normes au niveau des territoires ou des Etats ou au contraire dans leur différenciation et leur mise en concurrence ?

15h20 – 16h30 : « Faire dialoguer les approches et les disciplines dans la recherche en agroécologie », atelier participatif ayant pour objectif la production d’une synthèse collective de ces éléments, via la continuité du groupe de travail Agroécologie de Biosena.